Désherbage et préservation de l'eau, quelles pratiques agronomiques effectuer au printemps ?
Le désherbage durable de printemps mobilise un ensemble de pratiques qui limitent aussi les pollutions diffuses par ruissellement, drainage… Les cultures intermédiaires et les cultures associées, l’allongement de la rotation avec l’introduction d’une culture de printemps, accroissent le stock de matière organique des sols et améliorent leur structure. Complétés avec les pratiques de désherbage mécanique, de travail du sol, des aménagements paysagers, ces leviers sont à mettre en place à l’échelle de la parcelle, de l’exploitation et du bassin versant. Explications.
Le désherbage durable de printemps se raisonne dans le cadre d’une approche globale, associant pratiques culturales et programmes herbicides. Cette approche poursuit en priorité deux objectifs : gérer les résistances des adventices, tout en obtenant une efficacité optimale. Un troisième atout est relié à ces pratiques : le désherbage et la préservation de l'eau avec la limitation du risque de transfert des molécules vers les cours d’eau.
« Prendre en compte les pratiques agronomiques pour préserver la qualité de l’eau ne rajoute pas des travaux en plus, puisqu’elles font partie des actions recommandées en désherbage de printemps. Il est cependant important d’avoir en mémoire leurs bénéfices environnementaux pour évaluer, au niveau de la parcelle ou de l’exploitation, l’ensemble des leviers à actionner afin de limiter les transferts de molécules vers le milieu aquatique. »
Parmi les pratiques de désherbage durable de printemps à l’échelle de la rotation :
- L’introduction d’un maïs, d’une betterave ou d’un tournesol pour casser le cycle des mauvaises herbes liées aux cultures d’hiver.
- Le semis sous couvert pour éviter la levée des mauvaises herbes, les cultures intermédiaires.
- Le désherbage mécanique avec herse étrille ou strip-till...
La sensibilité d’une parcelle au ruissellement est à définir dans son contexte de territoire. Les causes du ruissellement sont diverses. Elles varient en fonction du type de sol, de la pluviométrie et du couvert végétal. La pente, la couverture du sol et le type de sol sont des facteurs aggravants.
Les pratiques culturales améliorent la stabilité structurale du sol et contribuent ainsi à un désherbage durable
- Sens du travail du sol : le travail du sol suivant les courbes de niveau permet d’éviter le ruissellement dans le sens de la pente. Des études ont mis en évidence une réduction de 10 à 50% des taux d’érosion par rapport au labour dans le sens de la pente.
- Gestion des tournières : Les tournières étant semées perpendiculairement au reste de la parcelle, peuvent servir de barrière physique cultivée pour les eaux de ruissellement.
- Couverture du sol en interculture : l’implantation d’un couvert végétal permet de protéger le sol de l’impact de la pluie. Ce dispositif augmente l’infiltration et la résistance du sol à l’arrachement grâce au système racinaire. Le ruissellement et l’érosion s’en trouvent très fortement réduits.
- Rotation : l’optimisation de la rotation des cultures avec l’introduction d’une culture de printemps est conseillée pour casser le cycle biologique des adventices. Les cultures telles que les céréales à paille, le colza, le maïs grain, les cultures intermédiaires laissent plus de résidus au sol après récolte. Cet apport de matière organique améliore la porosité du profil de sol. L’eau circule mieux entre les agrégats d’argile et d’humus (complexe argilo-humique). À l’échelle du bassin versant, cette diversité des cultures va également réduire le risque de ruissellement durant les périodes à risque.
- Résidus de culture : l’augmentation du taux de matière organique du sol s’effectue grâce aux résidus des cultures et aux amendements organiques. La matière organique exerce un effet bénéfique sur la stabilité structurale du sol et augmente sa capacité de rétention en eau.
Quelques pratiques culturales en image :
La bonne gestion du travail du sol préserve la qualité de l’eau
La gestion du travail du sol doit favoriser l’infiltration de l’eau dans la parcelle et prévenir le ruissellement à la source.
Les techniques culturales sans-labour
La réduction du travail du sol permet de retenir l’eau dans la parcelle et de prévenir le ruissellement à la source. Les TCSL favorisent :
- les résidus en surface (mulch) qui couvrent le sol,
- la concentration de la matière organique dans les premiers centimètres de sol retardant ainsi la formation de la croûte de battance,
- l’activité biologique du sol et donc la circulation de l’eau,
- la stabilité du sol favorisant sa résistance à l’arrachement.
- Le strip-till : le passage de strip-till prépare uniquement le lit de semences. L’outil rend la surface du sol motteuse. Cette texture empêche la formation d’une croûte de battance dans les sols hydromorphes.
- Le binage : le binage permet de redonner de la porosité au sol lorsque la croûte de battance est développée. A noter le rôle bénéfique du binage sur le réchauffement du sol, la destruction des mauvaises herbes et l’alimentation en eau du maïs.
L’association d’un traitement herbicide de pré-levée sur le rang de maïs et d’un binage permet de diminuer de deux tiers la surface traitée tout en maintenant une bonne efficacité de désherbage
- Lit de semence : la réduction du travail du sol lors de la préparation du lit de semence permet une diminution significative du ruissellement et favorise l’infiltration. L’objectif est de laisser des mottes en surface tout en préservant notamment l’inter-rang.
- L’effacement des traces de roues de tracteur : les passages de roues peuvent représenter près du quart de la surface semée. Souvent empruntés et compactés, ils sont des chemins préférentiels pour les eaux de ruissellement voire pour l’érosion. L’utilisation des effaceurs de traces de roues va permettre de réduire la circulation de l’eau et améliorer son infiltration.Cela évite ainsi la concentration du ruissellement et l’érosion.
Prévenir le ruissellement grâce à l'effacement des traces de roues de tracteur
Quelques bonnes pratiques de gestion du travail du sol, en images :
Les aménagements paysagers à la parcelle et sur l’exploitation limitent les transferts d’eau
Bande enherbée, aménagement de fossés, enherbement des talwegs, talus, implantation de haies : tous ces dispositifs permanents forment une barrière de rétention au ruissellement donc aux sédiments. Ils limitent les transferts d’eau lors des fortes pluies.
Les zones tampons
- Les zones d’accès aux parcelles : l’entrée de la parcelle est une voie d’écoulement potentielle de l’eau hors de la parcelle ou un point où le ruissellement concentré peut commencer à se former. Elles doivent être bien gérées pour éviter le compactage du sol avec par exemple un enherbement ou un changement de localisation vers le point haut de la parcelle.
- La bande enherbée : la bande enherbée permet de lutter contre l’érosion, de favoriser le dépôt des particules contenues dans le ruissellement et de favoriser l’infiltration des ruissellements venant de l’amont. Elle assure ce rôle dans les fonds de vallon, les versants pentus et en bordure de cours d’eau. Dans ce dernier cas, elle est aussi un moyen efficace pour réduire les risques de transfert via la dérive de pulvérisation.
- Le fond de vallon ou talweg : le fond de vallon étant la zone naturelle de collecte et de passage du ruissellement, est la zone la plus sensible à l’érosion linéaire. L’enherbement du talweg est donc une solution efficace pour protéger le sol contre l’arrachement liée au ruissellement. Dans le cas de faibles ruissellements de petits fonds de vallon, retasser la terre spécifiquement dans la zone de passage d’eau permet d’accroître la résistance du sol à l’arrachement. Un passage avec le tracteur outils relevés, après le semis, dans la zone de passage de l’eau, suffit pour réaliser une bande tassée.
- La haie : elle constitue un obstacle perméable au ruissellement ce qui le ralentit et favorise ainsi l’infiltration de l’eau et le dépôt de la terre. Une haie peut piéger jusqu’à 70% des particules et atteindre des vitesses d’infiltration de plus de 200 mm/h. C’est aussi une source de biodiversité, une protection contre le vent, le soleil, le froid, un élément du paysage mais aussi une barrière à la dérive de pulvérisation.
Les structures de rétention
- Les fossés et talus enherbés sont des aménagements linéaires simples. Ils permettent la rétention et l'infiltration des eaux de ruissellement et la captation des sédiments. Ils se raisonnent en respectant le libre écoulement des eaux et la réglementation en cours (pour plus d'information, se référer à la fiche Fossé-Talus réalisée par la Chambre d’agriculture de Seine Maritime et de l’Eure et AREAS, 2008).
- Les fascines freinent le ruissellement érosif et provoquent la sédimentation de la terre. Elles sont construites en disposant des fagots de branches entre des rondins perpendiculairement à la pente.
- La mare tampon : une mare tampon a pour rôle de réguler les débits de ruissellement et de réduire les surfaces inondées. L’eau peut provenir des parcelles cultivées en amont, de la voirie, des toits des bâtiments ou de la cour de ferme. Avant toute réalisation, il est nécessaire de se renseigner auprès autorités locales.
- La zone tampon humide artificielle (ZTHA) : ce dispositif est implanté pour gérer les eaux de drainage agricoles. Une interface est recréée entre des parcelles agricoles et un cours d’eau. L’arrivée des eaux de drainage dans le cours d’eau est ralentie. L’épuration par sédimentation et/ou la dégradation des molécules phytosanitaires et des fertilisants sont facilitées.
Quelques dispositifs d'aménagements paysagers, en images :
Sources des infographies : Livret Ruissellement/Erosion – Topps Prowadis (2014) & Fiches sur l’érosion et les cultures d’essai – AREAS (2008)