Mycosphaerella, une maladie en pleine expansion, quelle protection efficace ?

Mycosphaerella s’approprie de nouveaux territoires ! Gwénola Riquet, responsable de la gestion des maladies chez Terres Inovia, revient sur les causes d’extension de cette maladie de fin de cycle du colza qui apparaît dès février avec de l’humidité et de la douceur. Retrouvez ses conseils pour contrôler ce champignon.

Les pluies prolongées du printemps 2024 et le manque de soleil ont favorisé les maladies de fin de cycle du colza. Parmi celles-ci : mycosphaerella. Pour se développer, le champignon responsable, Mycosphaerella brassicicola, nécessite de l’humidité et une certaine douceur hivernale et printanière. « Normalement, les températures négatives en janvier et février empêchent son apparition précoce, indique Gwénola Riquet, responsable fongicide et biocontrôle chez Terres Inovia. En 2024, toutes les conditions climatiques étaient présentes pour qu’il contamine entièrement les parcelles. »

Les contaminations primaires apparaissent l’hiver sur les feuilles du colza. Le pathogène enchaîne ensuite les cycles et touche les autres organes, dont les siliques. Conséquence, les siliques infectées ne transfèrent plus les nutriments, ce qui réduit le rendement et le poids de mille grains. D’ailleurs en 2024, on estime une perte de l’ordre de 4 à 5 quintaux/ha (nuisibilité observée dans un réseau de trois essais en 2024). Elle ressort parfois plus importante selon l’intensité de l’attaque.

Mycosphaerella présente sur les parcelles de colza de l’Est

Historiquement, le mycosphaerella se détecte à la reprise de végétation, début mars, en Poitou-Charentes et Bretagne ainsi qu’en bordure de l’Atlantique. « Cette année, les symptômes sont apparus bien plus tôt, dès février, indique Gwénola Riquet. Autre particularité, Mycosphaerella sévit désormais dans des zones inédites telles que la Champagne. Potentiellement, nous estimons que 600 000 ha sur les 1,2 Mha de la sole colza pourront être concernés par cette maladie dans les prochaines années. »

Plusieurs causes expliquent cette extension de territoire. « Nous connaissons mal l’épidémiologie du Mycosphaerella brassicicola. Néanmoins, le champignon se conserve dans les résidus de culture et les semences, partage l’experte. Ces dernières seraient à l’origine de cette diffusion vers de nouveaux territoires. De plus, le changement climatique amène de la douceur et de l’humidité sur de plus longues périodes dans des secteurs à climat plutôt historiquement continental. Ce climat favorise la maladie dans ces régions nouvellement conquises et la survie du pathogène dans les parcelles. »

Le stade G1, pilier de la protection contre la mycosphaerella et le sclérotinia

Dans tous les cas, comment prévenir la propagation de la maladie vers les siliques ? « Nous disposons de peu de solutions agronomiques, explique Gwénola Riquet. Sur le terrain, nous savons que le champignon survit dans les résidus végétaux. Le broyage et l’enfouissement de ces résidus pourraient réduire l’inoculum. Cependant, ce levier est difficile à déployer à l’échelle d’un territoire pour garantir une efficacité satisfaisante. Le levier variétal, peu étudié à ce jour, sera à évaluer dans les prochaines années. À date, la seule option de gestion efficace reste la protection fongicide pour limiter la progression. »

Elle ajoute : « Toutefois, la protection fongicide du colza cible d'abord le sclérotinia à la floraison, qui reste une maladie préjudiciable pour la culture. L’application préventive au stade G1 reste donc pivot. Ce stade correspond au moment de la chute des premiers pétales ; les 10 premières siliques sur la hampe principale mesurent moins de 2 cm. Nous conseillons de conserver ce positionnement du traitement pour gérer les deux pathogènes ».

L’occurrence du sclérotinia n’étant pas prévisible et l’action des fongicides étant strictement préventive sur cette maladie, il reste indispensable de gérer ce pathogène. Dès lors, le choix des spécialités appliquées sera donc à adapter pour gérer l’ensemble des maladies.

Intervenir avec Propulse à 0,8 L/ha

« Les triazoles sont les substances actives les plus efficaces sur mycosphaerella, prothioconazole en tête suivi sans distinction par le metconazole, difénoconazole et le tébuconazole, indique l’experte.  La solution Propulse associant le prothioconazole et le fluopyram, appliquée à la dose de 0,8 L/ha est une des solutions disponibles pour obtenir les meilleures efficacités.» Terres Inovia déconseille de descendre en deçà de 100 g/ha de prothioconazole pour assurer une bonne gestion du mycosphaerella.

Un second passage fongicide, toujours à base de triazole, 10 à 20 jours après la première application peut s’avérer nécessaire si comme en 2024, les conditions humides et les températures autour de 20° C se maintiennent.

Terres Inovia soutient un programme de recherche sur mycosphaerella

Compte tenu des enjeux pour la culture du colza, Terres Inovia poursuit en 2025 ses travaux de recherche et d’expérimentation pour mieux comprendre la biologie de cette maladie. Notamment, l’institut s’engage dans le projet « Myco-risk », en attente de validation. « Nous devrons aussi définir le seuil de risque et la stratégie de gestion la plus adaptée en fonction de celui-ci, tout en travaillant sur d’autres leviers comme l’aspect variétal, conclut Gwénola Riquet. Peu de pays dans le monde sont concernés par cette maladie mais les entreprises de protection de plantes savent l’importance que pourrait prendre la mycosphaerella avec le changement climatique. »