Tour de plaine : repérer les chemins de circulation de l’eau

Chaque parcelle est différente. Un tour de plaine en hiver est un moment privilégié pour observer le ruissellement. L’objectif est d’identifier les chemins de l’eau et de s’orienter vers la ou les solutions les plus efficaces afin de limiter les transferts de produits et l’érosion des sols.

« Prendre le temps, en hiver, de vérifier comment l’eau circule sur les parcelles est capital pour limiter les éventuelles pollutions diffuses ultérieures. C’est le moment idéal pour vérifier les aménagements réalisés près des cours d’eau, constater de possibles passages de roues tassés, des dégâts sur les buttes… et envisager les aménagements correctifs. »

Jean-François Ouvry, directeur de l'AREAS (Association de Recherche sur le Ruissellement, l'Erosion et l'Aménagement du Sol), nous présente les solutions mises en place en Normandie pour gérer le risque de ruissellement. 

Analyser l’état du sol

A savoir

L’érosion en nappe de versant sur une parcelle est en moyenne de 0,5 à 7 tonnes/ha (Martin Ph., Le Bissonnais 1996 – O. Evrard 2010).

Connaître l’état du sol et les modes de circulation de l’eau est essentiel pour prévenir les risques de pollutions diffuses par les produits phytosanitaires lors des traitements à venir. Des mesures correctives pertinentes peuvent alors être mises en œuvre ultérieurement, comme la modification du travail du sol ou de la conduite des cultures, ou encore l’aménagement des bords de parcelles.

Quatre types de ruissellement sont identifiables dans une parcelle :

  • Le ruissellement par refus d’infiltration parce que la surface du sol est devenue imperméable en raison d’une croûte de battance. Ce cas intervient fréquemment en sols limoneux, pauvres en matières organiques, dans les sols composés d’argile gonflante ou encore ceux tassés en surface par les travaux de préparation ou de récolte.
  • Le ruissellement par saturation, lorsque la réserve utile du sol est pleine et qu’il n’y a pas d’infiltration en profondeur.
  • Le ruissellement concentré, observé dans les zones d’accès ou dans les passages de roues souvent tassés, ou encore en raison du travail du sol sur cultures buttées.
  • Le ruissellement hypodermique, qui a lieu en profondeur en raison d’une couche imperméable (banc de marne, horizon argileux, substrat type schiste, granite, voire semelle de labour).

Parcelles et zones à risque ruissellement

A savoir

Perméabilité et réserve utile du sol sont les deux critères à regarder de près dans les parcelles. Ce sont en effet eux qui expliquent le mouvement de l’eau et la vitesse d’infiltration.

Définition

Le Réservoir en Eau Utilisable d’un sol (RU), souvent appelé « Réserve Utile », représente la quantité d’eau maximale que le sol peut contenir et restituer aux racines pour la vie végétale.

Un sol peu perméable conduit à un ruissellement de surface.

Sont à surveiller les sols sensibles à la battance ou les lits de semences très affinés. Ces derniers perdent rapidement leur capacité d’infiltration dans des conditions de pluviométrie importante. Les gouttes de pluie entraînent l’éclatement des mottes par réhumectation. Elles « fondent » et le sol se referme jusqu’à créer une surface lisse sur laquelle l’eau stagne. Les éléments fins sédimentent et créent une croûte de battance. Le sol a alors perdu toute capacité d’infiltration. Les pluies suivantes entraîneront du ruissellement, voire parfois de l’érosion. Ces phénomènes sont d’autant plus importants que la couverture du sol sera faible au moment des pluies.

Une fois la réserve utile reconstituée, le sol ne peut plus retenir l’eau.

La vitesse d’infiltration vers les eaux souterraines dépend de la texture du sol et de sa profondeur. D’où l’importance de connaître la réserve utile du sol. En hiver, une fois la réserve utile reconstituée, le sol ne retient plus l’eau et l’infiltration débute.

Contre la battance, réaliser un écroûtage

En hiver, sur céréales encore peu couvrantes, une croûte de battance peut facilement être observée sur la parcelle. Générée par les pluies hivernales en sol limoneux ou par des tassements résultant de travaux, cette croûte conduit inévitablement à un ruissellement de l’eau. Pour la briser et redonner de la porosité au sol, un seul moyen : réaliser un écroûtage en sortie d’hiver à l’aide d’une houe rotative.

Quelques règles sont à respecter pour ne pas endommager la culture lors de l’écroûtage :

  • passer en bonnes conditions de ressuyage du sol,
  • avoir un tracteur équipé de pneus basse pression, ou de pneus classiques jumelés,
  • intervenir à un stade peu avancé de la culture (avant fin tallage),
  • bien positionner l’écroûtage en fonction des produits utilisés pour le désherbage.

La houe rotative permet d’obtenir de meilleurs résultats que la herse étrille. Cette dernière a en effet tendance à générer des sillons qui canalisent l’eau, risquant d’augmenter le ruissellement.

Le blé n’est pas affecté par l’écroûtage. La houe rotative, développée à l’origine pour détruire mécaniquement des adventices au stade plantule, travaille uniquement de façon superficielle. C’est un outil sélectif de la culture implantée, surtout au stade où l’écroûtage peut être réalisé sur le blé (maximum fin tallage). Une vitesse de travail élevée (~15 km/h), permet un débit de chantier de 4 à 8 ha/h. Une puissance de 20 à 25 CV est nécessaire par mètre de largeur de travail (coût selon les surfaces annuelles de 10 à 18 €/ha).

Installer des banquettes de terre en bordure de parcelle

Comment retenir les eaux de ruissellement et leur charge en sédiments en bordure de parcelle ? L’une des possibilités est de mettre en place et de maintenir des banquettes de terre. Ces petits talus de terre, situés aux limites inférieures de la parcelle, stoppent le ruissellement en permettant à l’eau de s’infiltrer. Les particules de sol érodé qui accompagnent le ruissellement se déposent. Ce type de petit barrage est le plus efficace sur les sols à la texture plutôt lourde, comme les sols relativement argileux qui ont un fort potentiel de ruissellement.

Conseil pratique

Creuser le sol au bord de la partie aval de la parcelle et créer, au moyen d’un remblai, une digue d’une largeur de 30 à 50 cm et d’une hauteur appropriée. La partie creusée doit permettre la rétention du volume de ruissellement de la parcelle. La hauteur de la banquette de terre dépend des parcelles. Pour celles dont le sens de la pente est oblique par rapport à leurs bordures, la hauteur doit s’avérer plus importante dans leur angle inférieur. La durée de vie des banquettes varie en fonction de leur solidité et de leur résistance à l’érosion. Vérifier régulièrement leur état est important.