Douze espèces différentes de chauves-souris inventoriées sur une ferme céréalière en Beauce
Les chauves-souris sont présentes en Eure-et-Loir (28), notamment sur la Ferme du Bulas. C’est ce qu’a démontré une étude mise en place en 2020 par Bayer, pour les inventorier. Colocataires discrètes, les chauves-souris sont utiles ! Comment mieux cohabiter avec ce mammifère sur l’exploitation agricole ? Quelques conseils pratiques.
Bienvenue en Beauce, avec ses plaines, ses blés, maïs, orge, colza, ses fermes typiques à cour carrée… comme la Ferme du Bulas de Dominique Petillon, agriculteur en Eure-et-Loir (28), à Houville-La-Branche.
Pourquoi réaliser un inventaire de chauves-souris ?
« Un soir, alors que je traversais ma cour à pied, je les ai senties passer au-dessus de ma tête. Clairement, les chauves-souris se plaisent dans ma ferme ! Je ne suis pas un spécialiste, et je voulais en savoir plus : apprendre à les connaitre, leurs espèces, leurs besoins, pourquoi elles habitent ici, et comment je peux ne pas trop les déranger. M’informer, me former. Je respecte la nature ! », s’exclame cet agriculteur attentif à son environnement et son voisinage !
Dominique Pétillon accueille du public sur sa ferme de temps en temps, et il a l’envie de communiquer plus et mieux sur la biodiversité qui y est présente. Soucieux que cette cohabitation se passe bien, l’agriculteur raconte : « Avec le réchauffement climatique, il n'y a plus d’insectes. Or, les chauves-souris s’en nourrissent. C’est un mammifère très utile. On ne s’en rend pas compte car tout cela se passe la nuit… Pendant que l’on dort, la faune sauvage sort. »
C’est dans ce contexte que va se mettre en place une étude scientifique avec Bayer sur cette ferme de référence céréalière. Avec pour objectifs :
- Dresser un inventaire, un état des lieux des populations de chauve-souris pour mieux connaitre leur diversité et leurs activités.
- Identifier les aménagements possibles pour favoriser la présence de ces chauves-souris sur l’exploitation agricole.
Comment écouter les chauves-souris ? Pourquoi en été et à l’automne ?
« La méthodologie a été réfléchie et anticipée en amont avec un chiroptérologue. Cela commence par une recherche bibliographique locale, afin de posséder une meilleure connaissance du cortège de chauves-souris fréquentant la ferme et ses environs. Les granges et autres bâtiments agricoles ont été prospectés par des recherches crépusculaires d’individus en sortie de gîte et par la recherche d’indices de présence, tels que des excréments. En complément, une méthode innovante d’observation passive par bioacoustique, analyse les cris des chauves-souris », présente Stéphane Bonnissol, ingénieur biodiversité chez Bayer.
En 2020, huit points d’écoute ont été installés. Ces écoutes ont eu lieu en 2 vagues durant 6 nuits entières d’inventaire, durant les périodes de fortes activités. L’idée est de :
- quantifier l’activité estivale des chauves-souris, qui correspond à la période de reproduction et de mise bas, et de
- quantifier le transit automnal, qui correspond à la période de migration des chauves-souris vers les sites d’hibernation.
Quel résultat dans ce contexte agricole céréalier ?
Ce secteur de Beauce (Houville-La-Branche – 28) est peu prospecté, et donc peu connu quant à sa population en chauves-souris. Cette étude a donc permis d’obtenir un inventaire précis dans ce contexte.
Pas moins de 12 espèces différentes de chauves-souris ont été identifiées sur la ferme (soit 60 % de la biodiversité locale), dont certaines avec un statut rare et menacé. La bibliographie estime qu’il y a environ 20 espèces de chauves-souris présentes en Eure-et-Loir (pour rappel, 34 espèces à l’échelle de la France).
Le genre Pipistrelle domine : 3 espèces pour 83,75 % des contacts, ce sont des chasseuses de lisière. Le genre Murin est présent pour 11 % des contacts. Cette existence est surement en lien avec les zones boisées présentes sur la commune. Les chauves-souris de haut vol (Noctules-Sérotine) très peu présentes, mais détectées. A signaler, une espèce indiquée comme quasi menacée sur la liste rouge régionale d’Eure-et-Loir, a été identifiée sur le site. Il s’agit de la Barbastelle d’Europe, de passage lors de la migration d’automne.
En conclusion :
- Une activité notable de chauves-souris sur ce site céréalier en Eure-et-Loir (28).
- La présence de haies et zones boisées apportent le couvert (insectes), des repères visuels et parfois le gîte aux chauves-souris.
Comment mieux cohabiter avec les chauves-souris sur une exploitation agricole céréalière ?
Pour répondre à la question de l’agriculteur, comment déranger les chauves-souris au minimum ? Voici quelques conseils du chiroptérologue :
- Laisser les greniers et bâtiments agricoles fermés, ou légèrement entrouverts, pour conserver l’obscurité et la tranquillité des lieux, car ce colocataire noctambule et vorace se loge aussi dans les vieux bâtiments, sous les toits.
- Bien mettre les gîtes-nichoirs en hauteur, dans un lieu tranquille, pas fréquenté par les tracteurs, avec une belle exposition Sud/Sud-Est. Les principaux prédateurs des chauves-souris étant les chats et les chouettes !
- Réfléchir à l’installation de corridors écologiques sur l’exploitation agricole ? En effet, les chauves-souris s’installent aussi dans les cavités des arbres, dans les haies… Elles suivent souvent ces lignes de végétations pour se déplacer d’un secteur à un autre.
- Informer du rôle et de l’impact positif des chauves-souris ! Pour cela, il est utile d’avoir des supports techniques professionnels pour parler, maintenir et favoriser cette biodiversité.
En milieu agricole, la biodiversité est importante et mérite d’être soulignée en zone céréalière ! Cette biodiversité fonctionnelle agricole utile pourrait encore être plus riche et diversifiée grâce aux actions mises en place sur la ferme. Deux conditions : mieux connaître les espèces et leur cycle de vie, puis réaliser des aménagements (gîte + couvert).